Je ne suis pas détendu du tout pour un sous, pas moyen de m’évader mentalement de certains problèmes de la surface, tant pis je n’abandonne pas, je me suis fixé un objectif. Je prends mon tuba et me laisse bercer par les vagues, la mer est agitée et me secoue comme pour me rappeler sa présence, son soutien inconditionnel. Je retire mon tuba, ma respiration se fait plus intense, une grosse bouffée d’air et un dernier regard vers le ciel avant de m’enfoncer dans le bleu profond, je palme avec vigueur jusqu’à -25m puis ralenti mon rythme, le fond semble m’attirer, confiant je ferme les yeux et me laisse emporter. Ma BTV* fonctionne parfaitement, d’où ce sentiment d’être en totale symbiose avec les éléments malgré cette pression croissante. -30, -35, -40, -45m, les mètres défilent et pourtant cette pression écrasante se fait moins présente, en réalité je me rends compte que moins je me focalise dessus et plus celle-ci devient quelque chose d’agréable, -50m j’ouvre les yeux et aperçois la fin de la corde. Celle-ci s’arrête à -54m, ce mètre il me le faut, la longe me permet alors de descendre plus bas. Je regarde autour de moi, pas d’Arche, malheureusement nous avons dû nous déporter sur la droite en raison de la compétition, à la place et face à moi un mur de coraux. Pas le temps de s’attarder, je tire sur le cable pour signaler que je suis au fond puis palme énergiquement tout en admirant défiler cette paroi vivante. Instinctivement mon corps se met en veille, mes mouvements devenant plus lents, plus fluides, chose que je découvre pour la première fois en profondeur. Inutile de se presser, je me sens bien et profite intensément de chaque sensation qui me submerge, -35, -30, -25m. D’un coup me voilà ramené à la réalité, Thomas faisant son apparition, il m’attendait à -20m pour faire ma sécurité comme convenu, nous nous regardons droit dans les yeux, j’ai envie de lui sourire mais je reste trop concentré, c’est toujours dans les derniers mètres que survient la syncope. -10, -5m, surface, je m’appuie sur la bouée et fais le protocole « I’m OK », tout à fait clean et conscient que j’aurais pu faire mieux, mon seul regret sur le moment est de n’avoir pas pu descendre plus bas, « espèce d’insatiable tais-toi donc » me dis-je. Ne brûlons pas les étapes, chaque chose en son temps ! Cette descente ne semblait avoir duré que quelques secondes et pourtant 2min se sont écoulées, mais que d’émotions ! Cela m’aura apporté une confiance ultime en la profondeur et l’envie intarissable de crier ma joie, car par l’apnée j’ai peut-être enfin trouvé ma voie, quel bonheur d’être là au fond et se sentir en paix, certains me diront que c’est un sport dangereux et qu’aller plus loin le serait d’autant plus, certes mais les passions sont faites pour être vécues et jouer avec la vie ne fait pas partie de mes hobbies, elle est trop précieuse pour ça ! Ceci n’est d’ailleurs que les prémices d’une belle aventure !

Tout d’abord un grand merci à Andy pour ce magnifique stage où tout le monde a réalisé des performances personnelles, merci aussi à Thomas pour la sécurité. Bientôt faudra s’exiler ou sortir les pelles car il n’aura plus d’endroit en Belgique assez profond hihi !

*BTV: béance tubulaire volontaire, c’est la capacité d’actionner consciemment les muscles qui ouvrent les trompes d’Eustache, cette technique de compensation est la plus douce mais aussi la plus complexe à maîtriser, son second avantage d’avoir les mains libres.